vendredi 28 août 2015

Toute première fois

Elle procure une émotion incroyable la toute première fois. C’est une situation nouvelle, inédite, tranchant radicalement avec la routine, un moment béni des Dieux, un moment de bonheur pur et simple transcendant le cours de nos existences. La toute première fois embrasse tous les domaines : amoureux, culturel, artistique…Le premier regard, les premières mesures de Sunday Bloody Sunday annonçant l’arrivée de Bono sur scène, la première lecture d’un texte merveilleux, la première arrivée sur la vieille ville de Jérusalem…
Quand on est médecin, c’est quand on a sauvé la vie de quelqu’un pour la toute première fois. L’inoubliable instant où l’on s’est pris pour Dieu, et ça fait du bien! Je me suis remémorée cette sensation extraordinaire lors de la (re)diffusion d’un volet de l’émission enquête exclusive. Le réanimateur pédiatrique filmé s’occupait d’un enfant de 2 ans admis pour un asthme aigu grave. Son pronostic vital était en jeu tant il ne pouvait plus respirer malgré l’arsenal thérapeutique mis en œuvre. Tout allait très vite, avec un sang-froid adapté, ce médecin a dit aux infirmiers : attention, il va s’arrêter. Et il avait raison. Tout à coup, plus un souffle, ECG plat, l’enfant était en arrêt cardio-respiratoire. Mais cela n’a duré qu’une seconde, les soignants tous affairés à leur poste, il a été ventilé au masque frénétiquement  puis intubé, et le réanimateur a dit: ça y est, merci à tous, nous l’avons ramené. Soulagement, reconnaissance éternelle des parents, les téléspectateurs dont j’étais ont essuyé une larme.
Mon premier massage cardiaque, geste dur et fastidieux, ma toute première fois, partait très mal. J’étais seule, fatiguée, mais dans le désespoir, la force est décuplée et miracle, j’ai perçu le pouls carotidien, le patient est revenu après quelques minutes de blackout. Cette impression de dépassement de soi, teintée de joie et de gloire, ne vous quitte plus. Elle vous grise, vous ne pouvez plus vivre sans elle. Elle vaut de l’or! Je me suis toujours demandée pourquoi les médecins, et les soignants en général étaient si mal rémunérés surtout en France, malgré un service rendu allant bien au-delà de l’acquisition d’une quelconque richesse (la vie étant le bien le plus précieux). Naïvement, je croyais à un mépris des professions de santé, historique, aggravé au fil des années, entretenu par les différents gouvernements. Je me trompais. En fait, les soignants ont tellement de décharges d’adrénaline qu’ils sont au-dessus des biens matériels. Ils les compensent par toutes ces émotions positives. Nul besoin de sports d’hiver, de sacs de marque, de belles voitures quand on a le privilège de vivre de telles sensations…
Et c’est un peu pareil quand vous avez sauvé des centaines de vie d’une fusillade, vous avez juste droit à la même médaille qu’une présentatrice de variétés!

F

mardi 25 août 2015

Belles mèr(d)es

J’enviais la jeune fille que je devais opérer d’un abcès du dos ce matin-là tant elle avait l’air proche de sa belle-mère, venue l’accompagner. Elles semblaient complices presque amies. Si vous trouvez votre belle-mère pleine de qualités, agréable, utile et serviable, passez votre chemin, ce billet d’humeur risque de ne pas vous concerner. En revanche, si pour vous, la seule chose digne d’intérêt émanant de votre belle-mère est son Fils, là, vous allez vous sentir moins seule… La belle- mer(d)e, c’est un élément immuable de nos vies contre lequel se débattre ne sert à rien. Elle a peu de chance de changer mais vous de nombreuses de vous épuiser.
A-t-on d’ailleurs toujours un a priori négatif sur sa belle-mère ? Nous avons baigné, comme toutes les petites filles, dans l’atmosphère des belles-mères des films de Disney, sorcières méchantes et maléfiques. Alors que, malgré une appellation commune, il ne s’agit pas du même type de belle-mère.
Ce statut bancal et délicat ne confère-t-il pas un qui vive hostile de la part de la belle-fille ? Cherchons-nous en elle, à tort, une seconde maman, une oreille attentive, une confidente ?
Attendons-nous trop de celle qui a engendré cet être parfait qu’on a choisi d’épouser ? D’où proviendraient donc son intelligence, sa beauté, sa finesse d’esprit ? Pas de la génétique ?
Les défauts de la belle-mère nous apparaissent toujours plus intolérables, inacceptables, inadmissibles, nous avions fini par concéder l’existence de l’imperfection sauf pour elle! Elle nous agace quoi qu’elle fasse.
Dans les stéréotypes classiques de la belle-mère, il existe la jalouse, l’exclusive, celle qui ne veut pas céder sa place. Elle s’invite dans votre appartement, elle s’y installe sans durée déterminée. Elle vous rappelle sans cesse à quel point vous êtes chanceuse… J’en ai rencontré également des démoniaques, écrasantes, malveillantes, machiavéliques, elles mettent en défaut leurs belles-filles, elles cherchent à nuire. Qui leur a autorisé le préfixe belle?
Il y a aussi celle qui donne son avis sur les enfants (même si ce sont les vôtres), les vacances, le travail, l’argent, tout est prétexte à l’écouter. Si vous travaillez, vous élevez mal vos enfants, si vous ne travaillez pas, quelles sont vos occupations exactement ?
Vous abordez parfois des sujets similaires avec votre propre mère, dans une atmosphère de discorde et de tension, mais le background est différent, les liens sont directs, vous vous permettez plus de répartie, il en résultera moins de ressentis.
 Et puis il y a la belle-mèr(d)e qui ne sert à rien, elle n’est pas nocive, pas méchante. Tellement vide, vous n’en n’attendez rien. Si elle présentait le moindre intérêt, vous le sauriez depuis le temps que vous la fréquentez. Vous continuez à vous étonner de cette génétique mais à quoi bon…
Vous croisez les doigts, vous espérez juste que vous serez différente quand, à votre tour, vous deviendrez belle-mèr(d)e!

F